CJC 30ème édition :…

Les 30 ans : [TALONS AIGUILLES x Concours International Jeunes Créateurs] Pour prendre sa place : https://boutique.lyf.eu/talons-aiguilles/cjc30 La 30ème édition du Concours International Jeunes Créateurs, … Continuer

Retour sur la 29eme…

Le 12 avril dernier a eu lieu l’événement phare de notre association : le Concours International Jeunes Créateurs (CJC). Événement fondateur de Talons Aiguilles, il … Continuer

TA, c’est quoi ?

Créée en 1992, Talons Aiguilles est la 1ère association étudiante de mode en France. Nous avons l’ambition de promouvoir de jeunes créateurs prometteurs, français et … Continuer

                
La 30ème édition du Concours International Jeunes Créateurs, organisé par Talons Aiguilles, aura lieu le mardi 11 avril et débutera à 19h15 (les entrées commenceront quant à elles à 18h30).
L’événement phare et fondateur de TA fêtera ses 30 ans cette année, l’occasion pour nous de célébrer trente années à célébrer la mode et la haute couture.
Le défilé se tiendra à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lille et regroupera 20 jeunes créateurs venus du monde entier pour vous présenter leur vision du thème « Erotica 1992 », en hommage à Madonna.
À la fin de la soirée, des jurys renommés de l’industrie de la mode décerneront plusieurs prix aux gagnants.
À la suite du défilé, un cocktail vous sera proposé avec à manger et à boire !
Nous sommes impatients de vous accueillir.
N’hésitez plus à prendre votre place : https://boutique.lyf.eu/talons-aiguilles/cjc30

Shalom Harlow: the leopard

Naomi Campbell: the she-wolf

Irina Shayk: the lion

« C’est hideux… », « Allô les écologistes » ou encore « Wrong. This is not fashion » pour nos amis anglophones… Impossible pour Talons Aiguilles de passer à côté du florilège de critiques que la Maison Schiaparelli a suscité sur ses pièces plus vraies que nature représentant un léopard, un lion et une louve. Entre dénonciations, œuvres d’art ou mauvais goût, comment décortiquer ce défilé qui a fait tant parler de lui ?
Personne n’en est sorti indifférent, ça, c’est sûr !

À première vue, quand on voit ces trois pièces sorties de leur contexte, on sursaute en arrière. Nous sommes intrigués, notre curiosité est piquée. Ensuite, plus on regarde ces vêtements, plus on se pose des questions ; que viennent faire ces animaux au milieu de costumes cintrés, robes drapées de satin, perles et autres trompe-l’œil ? C’est du vrai ? Du faux ? Quel est le message ? Bref, le spectateur est perdu et c’est totalement normal. Mais alors que tirer de ce défilé ? Est-ce une prouesse technique ? Un coup de génie marketing ? Une preuve de ringardisme ?

Talons Aiguilles a analysé tout cela pour vous.

Soyons clairs, dans ces trois œuvres, ce sont les têtes ostentatoires des animaux qui dérangent. La réalisation de pièces en fausse fourrure sur les défilés est une pratique banale de nos jours. Il n’y a plus rien de surprenant à cela et la Maison Schiaparelli serait passée à la trappe. Ces têtes sont donc bien la source du problème car elles dérangent, perturbent et choquent. Pourquoi ? Parce qu’elles confrontent le spectateur au regard accusateur, féroce et presque méprisant de l’animal. Avec ces têtes affichées, il est impossible d’oublier la vie qu’il y a eu derrière cette peau qui devient plus vraie que nature. Notre sang se glace, on se demande si la nature de l’humain est d’être monstrueux.

Il est donc naturel dans un contexte actuel porté sur l’urgence climatique et écologique de voir au premier abord des animaux, qui sont de plus déjà en voie d’extinction, empaillés cruellement. On comprend alors les militants écologistes qui parlent de mauvais goût sur ce qui semble être une robe-trophée. Certes, ces peaux sont en fausse fourrure, mais ce qui révolte c’est que ce soit un humain qui porte cette peau d’animal. Quand bien même aucun animal n’a été tué, le fait que cette peau reproduise à la perfection un motif animalier et une émotion reste déstabilisant voire dégoûtant. La symbolique de porter la tête de l’animal en tant que trophée de chasse devient inévitable.

En effet, ces peaux dérangent car elles supposent indéniablement que l’animal a été tué avant d’être porté. La fourrure en tant que trophée devient alors le signe ultime de supériorité que l’homme exerce sur l’animal et qu’il n’y a pas de problème à se servir de la peau animale comme bon lui semble. C’est n’est alors pas rendre hommage à l’animal que de le porter sur soi : c’est un signe de domination absolue. De plus, beaucoup de gens ont juste vu cette photo passer et n’ont pas pris la peine de se renseigner sur le contexte et l’inspiration de Daniel Roseberry. Finalement, le spectateur lambda ne voit qu’une mannequin connue porter une tête de lion.

Cependant, il existe une deuxième lecture plus profonde de ce défilé. Pour comprendre la démarche artistique de Daniel Roseberry, il faut aller du côté d’Instagram. En un clic, si l’on va sur le compte de Schiaparelli, on peut y voir des images d’archives montrant le processus de création de ces pièces animalières. Le travail d’artisan-sculpteur est époustouflant ; les têtes sont plus vraies que nature. Schiaparelli réalise des prouesses techniques qui font pâlir la concurrence. En ce sens, on peut dire que le trompe l’œil est un succès. D’ailleurs, le trompe l’œil est un peu la marque de fabrique de Schiaparelli avec son premier pull tricoté en trompe l’œil. Daniel Roseberry a donc fait un premier clin d’œil aux anciennes créations d’Elsa et à l’art surréaliste. En effet, Schiaparelli est une Maison très proche du mouvement du surréalisme qui aime jouer avec le vrai et le faux. Il est possible de voir une référence au Bal Surréaliste des Rothschild de 1941 dans les œuvres de Roseberry. On comprend alors déjà mieux le contexte historique de la Maison ainsi que ce savoir-faire et cette malice de vouloir faire croire à un mirage pour perturber le spectateur.

Ensuite, vient le message. Si l’on épluche le compte Insta de Daniel Roseberry, nous pouvons y lire :

“3 animals sculpted and embroidered by hand, celebrating the glory of nature and guarding the woman who wears it. Thé léopard, thé lion, and thé she wolf. All from Dante’s Inferno.
Thank you @naomi @shalomharlow @irinashayk ❤️ @schiaparelli“.

« 3 animaux sculptés et brodés à la main, célébrant la gloire de la nature et protégeant les femmes qui les portent. Le léopard, le lion et la louve. Tout droit sortis de l’Enfer de Dante. Merci à @naomi @shalomharlow @irinashayk ❤️ @schiaparelli ».

Ces trois pièces seraient donc des références directes à l’Enfer de Dante, première partie de La Divine Comédie. Effectivement, le chant 1 de l’Enfer décrit l’égarement de Dante dans une forêt sombre et effrayante avant qu’il ne rencontre son guide Virgile. Le héros finit par croiser un lynx, ou léopard, puis un lion et enfin une louve qui le terrorisent et l’empêchent de s’enfuir. Ces animaux, appartenant au bestiaire médiéval traditionnel et religieux, seraient associé aux péchés capitaux de la luxure, de l’orgueil et de l’avarice. Voici donc une deuxième référence historique de Roseberry.

Enfin, le directeur artistique utilise dans son post le mot « guarding » (garder, protéger) qui fait clairement référence à la symbolique mythologique grecque et romaine du fait de porter la peau d’un animal. En effet, les guerriers mythologiques portaient des peaux d’animaux en vue d’obtenir les qualités attribuées à ceux-ci et gagner en puissance. Notons que déjà à l’époque cette pratique était décrite comme particulière et rare.  La peau de bête est ainsi effectivement un trophée, signe de victoire de l’homme sur l’animal, dont la peau est ensuite lavée, nettoyée et revêtue pour que l’homme s’imprègne de la sagesse et de la force animale.

Daniel Roseberry avec ces pièces fait donc une triple référence : le trompe l’œil surréaliste, l’Enfer de Dante et enfin la mythologie. Ces pièces entrent donc totalement dans le domaine de l’Art. Schiaparelli ne fait plus seulement de la Haute-Couture, elle dépasse son rôle et crée des œuvres portant à la réflexion.

Dans un monde consumériste où tout notre rapport à l’animal est aseptisé, la chaîne alimentaire masquant au consommateur l’animal derrière la nourriture, remettre une tête sur une peau devient alors une volonté de Daniel Roseberry de dénoncer, choquer et questionner directement notre rapport à l’animal. En effet, Daniel Roseberry renverse totalement le concept même de fausse fourrure : est-ce encore admissible pour l’homme de vouloir porter la représentation d’un animal à travers la fausse fourrure ? Doit-on alors supprimer le concept de fausse fourrure ? Où serait la limite ? Doit-on aller plus loin et supprimer l’imprimé animal en général ? La mode peut aussi être philosophique. Il n’y a pas de bonne réponse à ces questions, juste une jauge de sensibilité individuelle sur ce que l’on accepte ou non de porter.

Finalement, d’un point de vue philosophique, l’argument selon lequel Schiaparelli promeut la chasse et l’idéalisation de l’animal trophée est erroné puisque ces pièces entrent dans le domaine des œuvres d’art. Elles doivent par essence remettre en question ce que le spectateur conçoit. Un spectateur rationnel est somme toute capable de différencier la réalité de la fiction, l’art du commun, le vrai du faux et il serait présomptueux voire condescendant d’affirmer le contraire, en sachant que de nos jours la taxidermie n’est plus une pratique banalisée et commune. Ce n’est pas parce que je vois une robe en « guépard » que je désire en porter une. Cependant, il semblerait que le message de Daniel Roseberry ne soit pas bien retranscrit par ces pièces qui ont peut-être manqué de transparence artistique pour un public peu renseigné sur la Maison. Ce défilé allait incontestablement attirer tous les regards au vu du « Front Row » choisi. L’équipe de Schiaparelli aurait pu mieux s’y préparer, mais la finalité reste la même : la Maison a fait parler d’elle.

Il faut croire que le monde n’était pas prêt à voir des mannequins revêtir des têtes d’animaux.

Eve Brutti

Mot du Directeur Artistique de Talons Aiguilles : Didier Dumetz
Obscur objet d’un fétichisme mondain,
Symbole d’un féminisme presque totalement disparu,
Objets indispensables au vestiaire « transformiste »,
Vénérés quand ils ont une semelle rouge logotypes CL
Ou redoutés par les apprenties adulescentes,
Je ne les porte pas, mais les supporte depuis tellement d’années,
Avec beaucoup d’affection et d’admiration.
Je leur demande beaucoup, souvent trop
Mais pour moi: trop c’est trop, mais pas assez c’est encore pire!
Ils sont mes « Talons », mes 2A et mes petits
Ils sont, depuis des générations, les fondements d’une association devenue au fil des ans,
La premiere association « mode » étudiante de France.
Merci à tous les dingues de mode qui forment: TALONS AIGUILLES
DIDIER.D
Directeur artistique TALONS AIGUILLES